La constitution d'une pension complémentaire est une opération à long terme (30 à 40 ans). La stabilité sur le plan fiscal est nécessaire pour contracter un tel engagement à long terme. Modifier en cours de route cette fiscalité
équivaudrait à une rupture de contrat à l'égard des 50.000 employeurs et 2.000.000 de travailleurs salariés (soit 70 à 75 % du nombre total de travailleurs) qui constituent déjà aujourd'hui une pension complémentaire ;
saperait la confiance des employeurs et des salariés dans le régime des pensions complémentaires. Il en résulterait une perte d'intérêt pour la souscription de plans de pension complémentaire ou une renonciation à l’augmentation de leur financement. La démocratisation du deuxième pilier (extension des pensions complémentaires à un maximum de travailleurs salariés et indépendants) qui est justement l'une des recommandations formulées dans le rapport de la Commission pour la réforme des pensions s'en trouverait ainsi freinée. Ceux qui aujourd'hui ne se constituent qu’une petite pension complémentaire ou qui n'en disposent pas en seraient les premières victimes.
Elle fait fi de la grande solidarité qui existe déjà aujourd'hui
Les travailleurs salariés qui gagnent "beaucoup" (cela signifie 2.200 euros net/mois et plus) font aujourd'hui déjà preuve d'une solidarité considérable en matière de retraite.
Alors que la pension légale est calculée sur la base d'un salaire brut plafonné, les cotisations sociales (de pension) le sont sur l'intégralité du salaire non plafonné : chaque mois, des cotisations de pension sont prélevées à hauteur de 16,5 % de la totalité de la rémunération brute du salarié, alors que celui-ci ne constitue aucun droit de pension sur la partie du salaire qui excède les 2.200 euros net par mois. La cotisation de pension prélevée chaque mois sur cette partie du salaire qui excède les 2.200 euros est donc versée en pure solidarité. Cette solidarité représente plus de 1,1 milliard d'euros par an. Ce n'est pas rien ! Un salarié percevant un salaire net mensuel de 2.500 euros verse de cette manière, sur l'ensemble de sa carrière, 2 fois son salaire net annuel au système par pure solidarité. Pour un salaire net de 3.000 euros, cela représente déjà 4 fois son salaire net annuel, pour un salaire net de 4.000 euros, 7 fois son salaire net annuel, etc............. La taxation des capitaux de pensions complémentaires au taux uniforme de 10 % avait à l'époque été instaurée pour compenser cette énorme solidarité.
De plus, le taux de remplacement (c.-à-d. le rapport entre le montant de la pension légale et celui du dernier salaire) pour ces personnes est particulièrement bas. Aujourd'hui, un travailleur salarié qui perçoit un salaire brut moyen de 35.000 euros se retrouve du jour au lendemain avec 40 % à peine de son revenu lors de son départ à la retraite. Pour les personnes qui ont un salaire brut annuel de 75.000 et 100.000 euros, ce pourcentage tombe même à 26 et 20 %.
Une taxation progressive des pensions du deuxième pilier "pénalisera" les travailleurs salariés qui, aujourd'hui, témoignent déjà d'une solidarité appréciable et doivent veiller au moyen de leur pension complémentaire à maintenir un niveau de vie acceptable que la pension légale plafonnée ne peut leur offrir.
Un salarié doit pouvoir se constituer une pension comparable à celle d'un fonctionnaire
La pension légale d'un fonctionnaire est bien plus élevée que celle d'un salarié. Tant mieux pour le fonctionnaire, et cela doit devenir l'objectif pour tous. La pension complémentaire est par conséquent une nécessité absolue pour un travailleur salarié afin qu'il puisse se constituer une pension décente et bénéficier ainsi d'un niveau de vie acceptable une fois à la retraite.
Alors que la pension brute d'un fonctionnaire oscille en moyenne autour de 2.300 euros par mois1, la pension légale brute pour un travailleur salarié est de 1.000 euros. Pour atteindre la pension moyenne de retraite du fonctionnaire, le salarié doit ainsi se constituer un capital de pension complémentaire de plus de 400.000 euros. Ce capital est en effet nécessaire pour générer une rente mensuelle de 1.300 euros (à savoir l'écart entre les pensions moyennes d'un fonctionnaire et d'un salarié). Ceci concerne la "situation moyenne". Dans la moitié des cas, le capital de pension complémentaire requis pour atteindre une pension comparable à celle d'un fonctionnaire sera donc encore plus élevé.
Où sont la logique et l'équité dans la proposition de taxer plus lourdement et de manière progressive la pension complémentaire des travailleurs salariés qui ne cherchent qu'à combler l'écart entre leur pension et celle des fonctionnaires ? Les travailleurs salariés doivent conserver le droit de se constituer une pension d'un niveau semblable à celle d'un fonctionnaire !
Le raisonnement développé ci-avant vaut tout autant pour les travailleurs indépendants.