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Notre pays compte plus de 500.000 malades de longue durée.


Les malades de longue durée constituent un sujet d’une grande actualité. A ce propos, votre nom apparaît régulièrement dans les médias et sur divers forums. Ce thème est-il votre grande mission ou simplement une partie de votre travail ?

Entretien avec Lode Godderis

Notre pays compte plus de 500.000 malades de longue durée. Cela concerne des salariés et des indépendants en incapacité de travail depuis plus d’un an qui ont alors le statut d’invalide auprès de l’INAMI. En cinq ans, leur nombre a augmenté de 25 %. Le problème est gigantesque, mais Lode Godderis, médecin du travail, CEO de l’IDEWE et professeur à la KU Leuven est convaincu qu'il peut être résolu. Il plaide dans son dernier ouvrage « Vertrouwen zonder voorschrift » (Confiance sans ordonnance) et partout où il se rend pour une nouvelle approche, avec davantage de prévention pour détecter plus rapidement les problèmes physiques ou mentaux, en recommandant aux supérieurs hiérarchiques et aux personnes absentes de maintenir les lignes de communication ouvertes, et en incitant les médecins généralistes ainsi que tous les autres acteurs à se concentrer davantage sur ce qui est encore possible en ce qui concerne le travail, plutôt que sur ce qui ne l’est plus. Selon lui, les assureurs ont également un rôle à jouer.

Les malades de longue durée constituent un sujet d’une grande actualité. A ce propos, votre nom apparaît régulièrement dans les médias et sur divers forums. Ce thème est-il votre grande mission ou simplement une partie de votre travail ?

Lode Godderis (LG) : Une mission. Je suis médecin, j’ai étudié la médecine pour aider les gens. Grâce à mes recherches et à ma pratique, je me suis peu à peu rendu compte que le travail contribue à la santé.  Le travail joue un rôle important dans le rétablissement et la guérison. Un grand nombre de facteurs contextuels interviennent également. C’est la raison pour laquelle je pense que nous pouvons offrir des solutions à beaucoup de gens pour une meilleure vie. C’est ce qui compte à mes yeux. C’est mon rôle en tant que médecin de le faire, que ce soit au niveau individuel, ou en menant des recherches avec la KU Leuven, et par le biais de l’IDEWE en tant que service de prévention, car nous y jouons également un rôle important.  Je partage volontiers notre expérience et nos idées avec les médias, les décideurs et responsables politiques qui sont en quête de solutions.  Je pense en effet que ce problème peut être résolu !

En attendant, le nombre de malades de longue durée ne cesse de croître. Nos pays voisins font-ils face au même problème ou est-il propre à la Belgique ?

LG : Selon un rapport de l’OCDE, des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche maîtrisent mieux le problème. En Belgique, nous faisons donc face à un problème. Cela est dû au marché du travail, à la situation socio-économique, mais surtout à la manière dont nous abordons les personnes en incapacité de travail. Je suis néanmoins optimiste quant à notre capacité de résoudre ce problème. 

La réintégration, le retour au travail, l'insertion dans la société devraient être un objectif de soins de santé. Actuellement, les soins sont fortement axés sur le diagnostic et le traitement.  Aujourd’hui, par exemple, un chirurgien aide quelqu'un souffrant d'un problème de dos par une opération, suivie d’une revalidation. Il s’avère après coup que le problème de dos est résolu, mais la personne concernée ne retourne pas au travail. Le problème médical est résolu, mais la personne en question n’est plus active...

Attention, je ne jette pas la pierre à mes collègues (rires).  Selon moi, nous devons intégrer le retour au travail dans nos objectifs en matière de soins de santé.  Et nous pouvons y parvenir par une bonne collaboration. Je comprends qu’un médecin généraliste dise parfois « nous ne savons pas très bien ce qu’il se passe au travail », mais pour cela, il y a le médecin du travail qui est la personne la mieux placée pour voir ce qui est possible, pour rechercher en collaboration avec le patient et son responsable direct des solutions. 

Comment cela fonctionne-t-il actuellement : vous êtes malade, vous recevez alors un certificat et tout ce qui suit consiste surtout en des efforts axés sur le contrôle afin d’éviter que des personnes perçoivent indûment une prestation maladie. Alors que la majorité des gens n’abusent pas du système. Nous devons donc nous concentrer davantage sur cette majorité, faire en sorte que les gens puissent travailler, et non nous focaliser uniquement sur ceux qui pourraient bénéficier indûment d’une prestation. Aujourd’hui, nous ne mettons pas l’accent où il le faut.

Dans notre société, l’idée semble solidement ancrée que lorsqu'il vous arrive quelque chose, on arrête de travailler. Est-ce à l'État ou aux employeurs de changer les choses ?

LG : Je me tourne surtout vers l'État pour entreprendre ce changement. Aujourd'hui, il a surtout une approche répressive en faisant la chasse aux abus et en prévoyant des amendes pour les entreprises qui ne fournissent pas les efforts souhaités. C’est toujours ce côté négatif qui prédomine et que les gens gardent à l’esprit. Un grand nombre de malades de longue durée en pâtissent également, car le discours sous-jacent est souvent : « il y a beaucoup de profiteurs ». Cette stigmatisation pose problème. 

Selon moi, le travail constitue une composante d’un traitement. Mais il ne faut pas exclure des gens de la société, également ceux qui sont en invalidité. Il importe de les aider à reprendre part à la vie active.